La récolte Cueillette des oeillettes en Picardie
: Peinture réaliste de Désiré
François Laugée, inspirée de la vie
paysanne de la région de Nauroy et de Saint
Quentin. Le paysage picard avec
ses grands horizons et ses ciels pastels reçoit un
groupe de paysans pour la cueillette des pavots.
Il y a comme une résignation à faire ces travaux pénibles
et répétitifs de la part des personnages mais
en même temps une solidarité dans le travail des générations.
Dans le Feuilleton de Rouen du 19 juin 1861, on trouve la
critique suivante sur le Salon de 1861 : « Dans
la récolte des oeillettes en Picardie, il est soir, et l’air
est encore tout embrasé de cette poussière lumineuse qui flotte
sur la campagne après les chaudes journées
d’été. La terre est presque dénudée,
et les pavots liés par bottes dressent de place en place leurs faisceaux,
tandis que quelques femmes arrachent encore les rares tiges
oubliées ; tout est calme dans cette composition sereine
; tout respire le travail et la joie de
la tâche accomplie. »
Dans le Feuilleton du Moniteur du 2 juillet 1861, Théophile
Gautier commente ainsi ce tableau : « Sans
imiter M. Breton, M. Laugée se rattache
à ce cycle de peinture rurale où tourne aujourd’hui
tant d’artistes ; il a exposé une Récolte
des oeillettes en Picardie, d’une poésie
rustique qui n’est pas sans charme. Des femmes, des jeunes filles, des
enfants lient en bottes des tiges d’oeillettes sur
un champ d’une tonalité violâtre assez
harmonieuse, quoique un peu triste ; il y a de la grâce dans les poses
de ces humbles travailleuses ; leurs types, sans trop d’idéalisation,
ont de la pureté, et trahissent chez Monsieur Laugée
la main d’un ancien peintre d’histoire retiré
à la campagne. »
Dans la brochure sur le Salon de 1861, Librairie
Nouvelle à Paris, Maxime de Caen
commente ainsi ce tableau : « Monsieur Laugée
suit aussi une marche ascendante, et, dans La Récolte des oeillettes,
je vois des qualités de composition, de faire, de
transparence d’atmosphère qui sont remarquables et qui prouvent
que le peintre poursuit un idéal supérieur qu’il entrevoit
devant lui et auquel il s’efforce d’arriver par le travail et
la persistance. Ceux qui rêvent l’égalité de l’homme
et de la femme peuvent, en contemplant le tableau de Monsieur
Laugée, se convaincre que, pour les dures besognes
de la campagne, la femme est l’égale de l’homme.
Ceux sont des femmes, en effet, qui ont cueilli les oeillettes,
qui les ont réunies en lourdes gerbes ; depuis l’aurore jusqu’au
crépuscule, elles sont aux champs,
au hasard du soleil et de la pluie ; le soir, elles rentreront à la
maison, rapportant sur la tête la récolte de
la journée ; avant d’aller se coucher, il faudra faire la soupe
aux hommes, être même un peu battue en cas de dispute, se relever
la nuit pour bercer l’enfant qui pleure, pour courir peut-être
en hâte rentrer le grain, si l’orage éclate, et, le lendemain,
au premier chant du coq, être debout pour recommencer. Il y a tout cela
dans la composition de Monsieur Laugée
; elle est sévère, un triste et comme résignée.
Le peintre ne peint pas au hasard, il ne
cherche pas uniquement des agencements de lignes et des cliquetis de couleurs,
il cherche à exprimer quelque chose, et nous savons depuis longtemps
qu’il y réussit presque toujours. Sa Récolte des
oeillettes est une bonne toile, peinte
avec une fermeté qui n’a rien de dur, et, des trois tableaux
qu’expose Monsieur Laugée, c’est celui-ci
que nous préférons. »